Les travaux d'aiguilles: de tout temps, partout et par toutes. Des origines au XVIII ème siècle.

Histoire du point de croix, au fil des jours..

Les travaux d'aiguilles: de tous temps, partout et par toutes.  Des origines au XVIII ème siècle. Les travaux d'aiguille : coudre, tricoter, crocheter, raccommoder, repriser, marquer, broder, sont des activités qui ont traversé les époques et accompagné les femmes de l'antiquité à nos jours. Tout le monde connaît le mythe de Pénélope faisant et défaisant son ouvrage dans l'attente du retour d'Ulysse... Il est difficile de remonter aux origines du point de croix. Aujourd'hui on parle de " broderie au point de croix ", mais " broder " à longtemps était un art bien différent de celui du point de croix à points comptés qui appartient d'avantage à la tapisserie. L'Histoire de la broderie, de la tapisserie et du point de croix se côtoient, s'entre-mêlent au fil du temps et des époques. De par sa technique, le point de croix à points comptés a donc une histoire différente de la broderie ornementale dont le berceau se situe, dès l'Antiquité, en Asie. Cette broderie s'exécute alors sur des tissus de lin ou de soie, avec des fils d'or ou de soie.  Au fil des époques, ces broderies très riches par la diversité de points et des matériaux utilisés sont réalisées par des brodeurs professionnels pour les rois, les empereurs et les hommes de foi. En France, au XVIII ème siècle, certaines manufactures spécialisées dans cette production se développent, à Lyon notamment. Les soieries lyonnaises auront une renommée mondiale. Ci-contre, une veste en soie brodée (1745-1750) réalisée à Lyon. A la même époque, avec l'arrivée sur le marché de tissus brodés d'Orient à des prix plus accessibles, la bourgeoisie accède à cet art.  Cette broderie est, également à différencier de la broderie populaire au point de chaînette, de noeuds,  aux jours qui ornaient le linge, les vêtements, les coiffes, et qui constitue la broderie blanche. Celle-ci se développe vers le XVIIIème siècle. C'est la broderie des femmes, réalisée dans le cadre domestique. Détail d'une magnifique broderie blanche réaliser sur une jupe ou jupon (collection personnelle). La broderie au point de croix à points comptés est classée dans les points de tapisserie. Il semblerait que dès le Xème siècle, les châtelaines recopiaient au point de croix les motifs des tapisseries ramenées d'Orient lors des croisades. La plus ancienne pièce de lin brodée au point de croix à points comptés aux fils de soie rouge et bleu a été retrouvée en Egypte. Elle est approximativement datée entre le XIII ème - et le XVI ème siècle (dynastie mamelouk). Extrait tiré du livre de Nathalie Bresson " La broderie au point de croix " Au cours de mes recherches dans différents documents, j'ai pu lire que l'un des premiers ouvrages français, ancêtre de notre point de croix actuel serait la célèbre tapisserie de Bayeux du XIème  siècle, appelée aussi Tapisserie de la Reine Mathilde. C'est un ouvrage conséquant par sa taille et par l'impressionnant nombres de figures animales ou humaines représentées (environ 1255). Mais d'autres écrits contestent cette théorie car la tapisserie serait composée des points de tige, de couchage, de chaînette et de points fendus qui feraient de cet ouvrage plutôt une broderie. Lors d'une promenade, en poussant la porte d'une mercerie de la rue d'Auron dans notre belle ville de Bourges, j'ai découvert que la Maison Sajou propose une grille à réaliser au point de croix, représentant cette célèbre tapisserie.  Est-ce un clin d'oeil à un ouvrage qui malgré tout, est peut-être l'ancêtre de la broderie au point de croix à points comptés ? Est ce le trait d'union entre la tapisserie d'hier et notre broderie au point de croix d'aujourd'hui ? On retrouve dans tous les coins du monde, des ouvrages réalisés au point de croix sur des tenues traditionnelles, sur du linge. Les supports, les couleurs, les motifs sont propres à chaque culture et évoluent au fil des modes. En Angleterre, entre le XVéme et le XVIème siècle apparaissent les samplers. Une petite parenthèse pour dire que " sampler "  est un terme utilisé en musique, dont l'éhtymologie est anglaise et vient du mot " sample " qui signifie échantillon. On comprend alors pourquoi les samplers constituaient de véritables recueils de points de broderie, constituant un échantillonnage de modèles au point de croix à points comptés, destinés à être mémorisés et recopiés, à une époque où les livres n'existaient pas encore. D'abord ce sont des rouleaux de toile de lin brodés au fil de soie conservés dans la boîte à ouvrage. Puis au XVIIIème,  ils évoluent vers des ouvrages que l'on expose, que l'on encadre et qui représentent des scènes rustiques, des maisons, des jardins... Puis il y aura les map samplers (carte géographiques), les darning samplers (tables de multiplication et calendriers perpétuels), les mourning samplers (marquoir de deuil), les school samplers (marquoirs d'école) qui avaient vocation à enseigner aux jeunes filles l'art du fil pour leur future vie de ménagère. Cette tradition anglo-saxonne qui s'est exportée aux Etats-Unis dès le XVIIème siècle s'achève avec l'arrivée de la broderie de Berlin qui se développe alors dans toute l'Europe vers 1830. Ci-dessous deux Samplers concervés au Victoria and Albert Muséum à Londres.                                             Sampler brodé avec de la soie                           en 1719 par Grace Catlin Sampler anglais du XIX ème siècle: lin brodé de soie Pour voir d'autres samplers exposés au Victoria and Albert Muséum : cliquer ici Sampler peut être traduit par marquoir. De nombreux autres styles de marquoirs sont retrouvés dans toute l'Europe. Voici la photo d'une pièce de broderie au point de croix à points comptés qui pourrait ressembler aux marquoirs hollandais du XVIII ème siècle reconnaissables aux motifs et aux coloris de jaunes, de bruns et de bleus ... d'après mes recherches et en m'appuyant sur le livre de Nathalie Bresson. L'endroit des deux extrémités de la pièce de lin brodée (collection personnelle) En bas, l'endroit de la pièce de lin brodée, en haut l'envers de l'autre extrémité (collection personnelle) Il est très difficile de trouver l'endroit de l'envers tellement le travail de broderie est soigné ! J'aime beaucoup cet ouvrage, il y a quelques fils brillants qu'on ne voit pas sur la photo et le travail est d'une extrême finesse. En France, nous verrons que le point de croix a été, au fil du temps, un point utilitaire pour marquer le linge dès le XVIII ème siècle et un point de broderie ornemental à partir du XIXème siècle. Cette activité essentiellement féminine est l'apanage des femmes de toutes les conditions sociales : de la roturière aux plus grandes reines. Elle a été au fil de temps une activité économique pour vivre, un passe-temps pour les reines du Moyen-Âge, une obligation pour les écolières de Jules Ferry, un loisir pour les femmes d'aujourd'hui, une passion, et pour certaines créatrices d'aujourd'hui : un art! " Toutes laissent ainsi ces "traces" derrière elles, s'inscrivant dans une lignée où le fil se fait l'écriture et raconte, tout autant qu'un livre, leur histoire, leurs joies et leurs peines ", (Nathalie Bresson, La broderie au point de croix, p 10).                                                                                                       A suivre ...              Ci-dessous, toutes les sources qui m'ont permis d'écrire ces quelques lignes et d'y apporter quelques photos: "La broderie au point de croix de Nathalie Bresson, 2006";  "Nouveau Manuel de la broderie, indiquant la manière de dessiner et d'exécuter tout ce qui est relatif à cet art..., Mme Celnart, 1840, sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62145836.r=Broderie%20point%20de%20croix?rk=21459;2 : Ici  http://www.mjtrouville.fr/index.php/ateliers/ateliers-artisques/broderie/74-petit-apercu-historique-de-la-broderie : Ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_soierie_à_Lyon : Ici http://collections.vam.ac.uk/item/O11413/sampler-unknown/) : Ici